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mardi 16 mars 2010

Polar bien noir : Ceux de la nuit, de David Goodis


Déjà publié en France sous un titre pour le moins étrange ("Les pieds dans les nuages"), Night Squad alias Ceux de la nuit, nous revient quelques décennies plus tard dans une nouvelle traduction et sous un titre bien plus en phase avec son contenu. Pilier du roman noir américain, aux côtés d'Horace McCoy, Jim Thompson ou bien Dashiell Hammett, David Goodis a connu une carrière en dent de scie, faite de succès commerciaux et de désillusions, avant de mourir en 1967 dans l'indifférence la plus totale. Depuis quelques années, les éditions Rivages ont entrepris de dépoussiérer son oeuvre, notamment du côté des traductions, qui avaient été quelque peu malmenées par l'incontournable mais parfois discutable Marcel Duhamel. Peu importe, le principal est de pouvoir relire Goodis.

Depuis qu'il a été viré des services de police pour avoir touché des pots de vin, Corey Bradford traine ses guêtres dans le quartier de son enfance, le marais. Bars miteux, immeubles crasseux, voitures déglinguées, le marais n'est pas vraiment un coin huppé et ses habitants n'y ont pas tous les jours la vie facile. Mais Corey ne connaît rien d'autre, il est né ici, son père y était flic, lui aussi ; sa vie est là, même sans son insigne et son arme de service. Sans boulot, sans famille, sans argent, les perspectives de Corey se limitent à la chambre étriquée qu'il loue pour une poignée de dollars et aux quelques bouges qui servent de bar à une population éreintée et désargentée. L'autre souci de Corey, c'est que sans son insigne il n'est plus rien, ceux qui le craignaient observent désormais sa déchéance d'un oeil goguenard alors que ses anciens amis se détournent de lui. Même dans les tripots, les videurs lui barrent l'entrée. La chance semble pourtant lui sourire un soir, alors qu'il s'interpose entre deux voyous et Walter Grogan, un parrain de la pègre local, qui détient la moitié des immeubles du quartier et dirige le business dans le marais. Grogan engage aussitôt Corey pour remonter la piste de ceux qui ont commandité son agression. A la clé : 15000 dollars et la fin de ses ennuis. L'ex flic se retrouve pourtant pris entre deux feux lorsque deux agents de la brigade spéciale, connue pour sa brutalité et ses méthodes expéditives (la fameuse night squad), lui proposent de réintégrer les services de police moyennant sa coopération pour boucler Walter Grogan. Acculé, Corey décide de jouer un double jeu, afin de toucher son fric tout en mettant fin aux activités de Grogan.

Jeu de dupes et faux semblants, telle est la ligne directrice du roman de David Goodis. Ne faites confiance à personne, ne croyez en rien, en cas de doute tirez le premier. Ecriture aride et dépouillée, descriptions réduites à leur strict minimum, dialogues tendus, on ne peut pas dire que le roman de Goodis respire la bonne humeur et l'optimisme. Sans grande surprise Ceux de la nuit est pourtant un roman admirablement construit et totalement maîtrisé ; par sa narration et l'intelligence de sa construction, il se pose en archétype du polar hard-boiled, sombre, désespéré et sans aucune fioriture. On peut néanmoins rester de marbre face au procédé ou à l'intrigue, tant par certains aspects l'univers de Goodis semble déconnecté du réel (on ne sait pas exactement dans quelle ville se déroule l'action, ni à quelle époque exacte, en dehors du quartier dans lequel se déroule l'action rien ne filtre de cette cité). La plupart des romans de l'auteur américain sont construits sur un schéma identique, qui n'est pas sans rappeler d'une certaine manière les règles du théâtre classique : unité de lieu, unité de temps, unité d'action, nombre de personnages assez réduits.... Le procédé contribue à focaliser l'attention du lecteur sur la trame essentielle tout en accroissant d'une certaine manière le côté oppressant de ses romans. Tout ceci ne serait évidemment rien sans une dramaturgie parfaitement maîtrisée. Autant dire que pour David Goodis, la catharsis n'est pas seulement un concept théorique, elle est au coeur de sa mécanique livresque et Ceux de la nuit n'échappe en rien à cette excellente recette.

1 commentaire:

Yvan C. a dit…

Un polar sympa mais loin d'être inoubliable, même si l'intrigue est plutôt bien ficelée.