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dimanche 29 avril 2012

in libris vinum

Le dernier livre d'Etienne Davodeau me permet de parler d'un monde qui s'ouvre petit à petit à mon expérience : le vin. La bande dessinée Les ignorants raconte l'histoire d'une initiation croisée : celle d'Etienne Davodeau au métier de vigneron, et Richard Leroy à la bande dessinée. Un regard croisé joyeux sur deux mondes qui a priori n'ont rien à faire ensemble, mais qui mêlent en fait travail de fond, patience et joie de la dégustation.

Depuis qu'une bédéphile picarde avertie m'a fait découvrir les mauvaises gens d'Etienne Davodeau, j'ai découvert un dessinateur au dessin faussement simple et tout en grisés, mais aussi un raconteur d'histoires exceptionnel, un chroniqueur qui sait faire couler le temps dans ses cases lentement, mais implacablement. Je le suis de loin, mais cette histoire de vin m'a attiré l'oeil, et je suis heureuse d'avoir suivi Richard dans ses vignes d'Anjou. C'est toujours agréable d'avoir un passionné, alors deux...

Bref. Etienne se met à la taille de la vigne et apprend les rudiments de l'agriculture biodynamique, les joies de la vendange et les mystères géologiques des terroirs (sans compter l'élevage en fût), tout en fournissant Richard en bandes dessinées et en lui faisant visiter les imprimeurs, éditeurs, expositions, salons et festivals de bandes dessinée et autres ouvroirs à cases et à bulles, histoire qu'il se fasse une idée de la réalisation d'une bande dessinée. Chaque visite en dehors du vignoble angevin est aussi l'occasion de boire un coup chez un restaurateur ou un confrère... Et tandis qu'Etienne raconte en dessins ses expériences croisées, Richard élève son vin de l'année. Deux plaisirs pour le prix d'un, ça ne se boude pas du tout, surtout si bien raconté !

Et comme c'est la saison des soldes, voici une autre bande dessinée qui parle de vin, une série (la série, ou la mort des crédits...) manga à déguster avec modération : j'ai nommée les gouttes de Dieu ! Cette série compte actuellement 22 tomes, mais à mon avis on est bien parti pour 40... Quand on aime on ne compte pas. Shizuku Kanzaki est le fils du plus célèbre critique japonais de vin Yukata Kanzaki, mais lui-même n'a jamais voulu boire une goutte de vin, malgré une éducation un peu particulière qui tendait à faire de lui le digne successeur de son père. Quand ce dernier meurt, il doit, pour hériter de la fabuleuse cave de son père, découvrir treize vins à partir de leur description : les douze apôtres, et les fameuses "gouttes de Dieu", qui sont pour le critique les vins qui l'ont le plus marqué dans sa vie. Il se retrouve face à un jeune critique de vins très connu, Issei Tominé, adopté à la dernière minute par Yukata Kanzaki. L'un connait le vin par coeur, l'autre a un goût exceptionnellement développé, et une floppée d'amis qui pallieront ses carences théoriques.
La ficelle est bien grosse, mais on s'amuse bien, et surtout on fait le tour du monde des vins, avec un petit côté pédagogique qui ne nuit pas à l'ensemble. En effet, il faut bien expliquer à Shizuku, cette géniale buse, les différences entre les vins, et ce qui fait leur intérêt. Loin de classer les vins, les deux compères qui ont réalisé cette série aux rebondissements improbables, Tadachi Agi et Shu Okimoto, nous baladent de vignobles en cavistes pour nous faire comprendre l'âme du vin, concept très japonais pour un produit très occidental. Chaque tome se termine par un petit carnet d'explications  sur les vins rencontrés pendant la lecture, et des conseils pratiques pour conserver et boire.
Comme dirait un des personnages secondaires de cette série, "si t'aimes pas bois-en pas", mais ce serait dommage de ne pas se laisser aller à ces aventures picaresques autour des meilleurs vins du monde. On s'amuse (certes, il faut aimer un minimum le style manga), et surtout on se pourlèche en espérant un jour goûter le nectar de la vigne...

Aller, pour terminer ces agapes, je vous dirai que cette fin de semaine, nous avons ouvert :
- un Manzoni Bianco 2007 de la Villa di Maser, au nord de Venise. Blanc sec tendant vers le doux, il nous a fait revivre la visite de ce petit bijou d'architecture de manière délicieuse...
- un Montagne blanche des côteaux du Vendômois 2009, issu de la coopérative de Villiers sur Loire. Comme son nom ne l'indique pas c'est un rouge, très original, à tout petit prix. Mais ne cherchez pas ce millésime, on a pris les dernières...
- Un Granello 2008 Barone Ricasoli de Brolio, un vignoble toscan. Du sucre en bouteille, très étonnant. Avec un Royal (gâteau au chocolat) de chez Chichery à Valençay (le meilleur pâtissier de la région, et peut-être même de France, donc du monde), c'était digne du prince des lieux...

C'est un week-end spécial, tout de même... On fait pas ça toutes les semaines !

vendredi 27 avril 2012

Louisiana connection : Le frelon noir, de James Sallis

Figure désormais incontournable du polar moderne, mais nettement moins médiatisé qu’un James Ellroy ou qu’un Michael Connelly, James Sallis a curieusement été le principal oublié du grand battage médiatique organisé autour de l’adaptation cinématographique de Drive. C’est tout juste si l’auteur a été crédité au générique du film et poliment mentionné lors des interviews (et encore il fallait être attentif). Honnêtement on attendait un peu plus de reconnaissance de la part du réalisateur, qui avait à sa portée un matériau brut de très grande qualité, mais qui préférait probablement tirer la couverture à lui et flatter son acteur principal voire son scénariste. On appréciera à sa juste valeur cet exemple tout à fait symptomatique du cynisme hollywoodien. Pour en revenir plus directement au cycle de Lew Griffin, dont Le frelon noir est le troisième volet (dans l’ordre de publication), j’avoue que j’avais été modérément emballé par Le faucheux, mais le potentiel du roman m’avait convaincu de persévérer, à juste titre au regard des qualités indéniables d’écriture et de narration dont fait preuve James Sallis dans le présent roman.
    Cette fois, Sallis plonge dans le passé assez éloigné de Lew Griffin, alors qu’il n’est pas encore le détective privé plein d’assurance et d’expérience  évoqué dans Le faucheux. D’ailleurs il n’exerce pas toute à fait cette profession et vit de petits boulots de garde du corps ou d’agent de recouvrement, mais déjà ses premiers pas dans les rues de La Nouvelle Orléans, cette maîtresse infidèle et vérolée par la violence et le racisme (rappelons que Lew Griffin est noir), sont prometteurs et lui donnent l’occasion d’exercer ses premiers faits d’arme. L’histoire est finalement d’une simplicité désarmante et relate l’enquête que mène Lew pour débusquer un psychopathe adepte du fusil de précision, qui prend un malin plaisir à abattre des cibles au hasard depuis les toits de la ville. Lew est embarqué bien malgré lui dans cette affaire puisque la jolie journaliste avec qui il flirtait vaguement, à l’occasion d’une soirée passée à écouter du blues dans un rade de magazine street, reçoit une balle en pleine tête alors qu’elle sortait du bar en sa compagnie. Profondément touché par sa mort, Lew décide de mener sa propre enquête, avec l’aide d’un flic à qui il sauve la vie quelques jours plus tard, alors que ce dernier recevait une correction magistrale de la part du tueur quelque part dans une ruelle sombre de Big Easy. 
    L’intrigue proprement dite du roman est finalement ici secondaire, Sallis fait le job, sait créer une ambiance et entretenir le suspense, mais l’intérêt du roman dépasse largement ce cadre. Premièrement parce qu’il introduit des personnages fondamentaux de la série (La Verne la prostituée amoureuse de Lew, Don Walsh l’indéfectible ami, Doo-Wop le pilier de comptoir et le meilleur informateur de la ville, Buster Robinson le bluesman méconnu et incompris....) et leur donne ainsi davantage d’ampleur, deuxièmement parce qu’il est sur le fond bien plus ambitieux qu’il ne le laisse apparaître au premier abord. Les références historiques abondent puisque cette affaire plonge ses racines dans les faits réels (au milieu des années soixante un tueur fou, Terence Gully, avait également tiré sur des passants sans motif apparent autre qu’un discours raciste obscur et confus), Sallis ne fait que reprendre ces éléments à son compte en renversant subtilement la perspective (désormais le tueur est noir et tire sur des cibles blanches) et en les inscrivant dans ce système narratif dont il a le secret. Une construction complexe qui laisse une très grande place à l'ellipse et dans laquelle il manie avec brio les changements de temporalité. Au final on obtient un portrait sans concession du sud des Etats-Unis dans les années soixante, une poudrière sociale dont la violence est parfaitement asymétrique et s'exerce toujours en défaveur des populations noires (racisme ordinaire, violences policières, pauvreté et vexations quotidiennes). Griffin est par exemple interpellé et maltraité par la police parce qu’il ose s’afficher en compagnie d’une femme blanche, il s’interdit lui-même de se montrer au balcon de l’appartement de La Verne, de peur de voir la police débarquer. Son attitude est tout à fait à l’image de la situation de la communauté noire, qui contrôle ses propres pulsions de violence et de vengeance pour ne pas faire imploser ce fragile équilibre social (si tant est que l’on puisse parler d’équilibre) et tente de répondre à ses aspirations de changement en prônant la non-violence. Une situation qui changera radicalement après l’assassinat de Martin Luther King et qui verra le mouvement black panthers, dont on croise quelques embryons activistes durant un chapitre, prendre de l’ampleur. A ce titre, l’entretien purement fictionnel qui a lieu entre Griffin et l’écrivain américain Chester Himes (venu à la Nouvelle Orléans pour une conférence) entre parfaitement en résonance avec les thématiques développées tout au long du roman.
    Avec Le frelon noir, James Sallis propose un roman hard boiled solidement bâti, divertissant mais aussi et surtout d’une rare profondeur thématique. La subtilité des propos de Sallis demande un temps de réflexion et un peu de culture historique pour en saisir toutes les nuances, mais le jeu en vaut franchement la chandelle et à défaut, Le frelon noir reste un roman parfaitement divertissant et superbement écrit.

jeudi 26 avril 2012

SF à papa : Le vieil homme et la guerre, de John Scalzi

Il y a des jours où l’on se demande ce qui passe par la tête des éditeurs, rassurez-vous, le roman de John Scalzi n’a rien de honteux, ce serait même plutôt le contraire, mais alors le titre français est tout simplement consternant ; l’allusion au roman d’Hemingway est rien moins que malvenue et surtout totalement hors de propos, mais passons car là n’est pas l’essentiel. Nouveau venu dans la science-fiction, John Scalzi fait partie des auteurs américains un peu en vue, certes, sa littérature n’a rien de révolutionnaire sur la forme et encore moins sur le fond, en revanche il renoue avec une certaine forme de science-fiction, celle de l’âge d’or et du sense of wonder, qui faisait défaut depuis quelques années. John Perry a atteint l’âge canonique de 75 ans, sur Terre c’est l’âge qui permet de s’engager dans les forces de défense coloniales. Sur le plan civil vous êtes désormais mort, mais une nouvelle vie vous attend dans les colonies de l’espace ; pour cela il faut s’engager une dizaine d’années dans l’armée coloniale et probablement y laisser la vie, pour de bon cette fois. De tout cela John Perry ne sait pas grand chose, ou si peu qu’il imagine avec ses petits camarades septuagénaires les hypothèses les plus délirantes ; de toute façon il avait pris la décision de s’engager bien avant la mort de sa femme. La réalité dépasse cependant de loin son imagination et si son corps recouvre sa jeunesse, ce dernier ne lui appartient plus vraiment. Dans son ancienne vie, celle d’un modeste publicitaire, John n’avait qu’une vague idée des menaces qui pèsent désormais sur la Terre et sur ses colonies spatiales. Des centaines d’espèces intelligentes se battent depuis des millénaires pour la domination de la galaxie et si l’humanité est bien placée dans cette course de conquête, elle doit chaque jour défendre chèrement ses acquis, au prix d’affrontements parfois aussi absurdes que meurtriers. On l’aura compris, l’histoire imaginée par John Scalzi n’a rien de bien original et rappelle par bien des aspects le Starship Troopers de Robert Heinlein dépouillé de son côté premier degré (sans pour autant atteindre le cynisme et le mordant de l’adaptation cinématographique de Verhoeven), l’ensemble est mâtiné d’un aspect comédie à la Space Cowboys pas du tout déplaisant et qui curieusement colle assez bien à cet univers pourtant fortement militarisé. Pour autant, le roman n’a rien de la gaudriole ou de la pantalonnade et si le ton des dialogues est parfois léger, le traitement général des différentes thématiques est relativement sérieux. Finalement, on n’est pas si éloigné de ce que l’on peut observer dans la réalité, l’humour est souvent un refuge pour les soldats, y compris dans les phases de combat ou de gestion du stress. Ces qualités, alliées à un sens de la narration bien affirmé, font de ce roman une oeuvre simple et agréable à lire, mais à laquelle il manque néanmoins la profondeur que l’on était en droit d’attendre au regard des thématiques initialement développées. On cherchera en vain une critique du militarisme un tant soit peu convaincante ou bien encore un élément subversif au fil des dialogues qui ponctuent le roman, rien non plus pour caricaturer ou dénoncer cette logique colonialiste sans queue ni tête qui est pourtant l’un des fondements de l’univers de Scalzi. Les personnages sont pourtant loin de la bêtise crasse (non, la jeunesse n’est pas une excuse) d’un Johnny Rico, ce sont des hommes et des femmes qui ont déjà eu le temps d’une vie entière pour former leur esprit critique. Hors, leur acceptation de la situation est assez proche du comportement ovin. C’est d’autant plus frustrant que certaines scènes ont un potentiel critique important. Pour la défense de Scalzi, notons qu’on est également loin de sombrer dans l’apologie militariste fascisante, la guerre est ici observée sur un plan strictement clinique, voire technique. Au final on obtient un roman divertissant, fluide, parfois drôle, doté d’un fort potentiel critique, mais sur le fond totalement avorté ; à ce titre Le vieil homme et la guerre ne prétend rien d’autre que renouer avec la SF à papa, celle des Asimov, Hamilton et autres Williamson, c’est déjà pas mal dira-t-on, mais pas sûr que cela justifie un achat en grand format.

mercredi 11 avril 2012

Dans la phalange spartiate : Les murailles de feu, de Steven Pressfield



“Passant, dis à Sparte que ses fils ici demeurent, obéissant à ses lois jusqu’à la dernière heure”


C’est en ces termes martiaux et laconiques que résonne l’épitaphe des spartiates morts au défilé des Thermopyles, à l’issue d’une bataille qui fut probablement l’une des plus retentissantes de l’Antiquité et à laquelle seule Marathon peut prétendre disputer la gloire. Ainsi débuta également la légende des 300, ces hoplites spartiates confrontés aux multitudes venues de Perse composant l’invincible armée de l’empire achéménide. Dix ans après l’incroyable bataille de Marathon (490 avant notre ère), qui permit à la phalange athénienne, alliée aux Platéens, de repousser la première invasion perse et à laquelle les Spartiates ne purent participer pour des raisons relieuses, la Grèce doit à nouveau s’unir pour stopper la conquête entreprise par le souverain Xerxès. Face aux 200 000 hommes alignés par les Perses et qui ont déjà conquis une bonne partie du Nord de la Grèce (la Thessalie), la coalition grecque ne peut guère rivaliser, 7000 fantassins lourds seulement sont mobilisés pour défendre la Béotie, dernier rempart avant l’accès à l’Attique et au Péloponnèse. Sous le commandement du roi spartiate Léonidas, l’armée grecque choisit une position défensive forte aux Thermopyles, un site naturel connu pour ses eaux chaudes, mais qui a surtout l’avantage d’être facile à tenir avec un nombre réduit de combattants. La flotte grecque, qui mouille au nord de l’Eubée, empêche les Perses de contourner leurs défenses et de tenter un débarquement plus au sud. L’armée de Xerxès devra donc franchir des montagnes très difficiles d’accès ou affronter les Grecs sur le site qu’ils ont choisi. Sûr de sa force et persuadé que l’avantage du nombre sera décisif, Xerxès aligne son armée aux Thermopyles.

«Mangez bien, car ce soir, nous dînons en enfer»

Malgré l’écrasante supériorité numérique, les Grecs ne fuient pas et s'apprêtent à livrer un combat sans merci ; certes, le rapport de force paraît furieusement déséquilibré, mais les Grecs ont l’avantage du terrain (un défilé très étroit dans lequel les Perses ne peuvent déployer qu’une partie infime de leur armée et où la cavalerie est parfaitement inutile) et une infanterie lourde bien mieux armée (la phalange démontre ici toute sa force de frappe). Contre toute attente les Spartiates et leurs alliés tiennent leur position et déciment les troupes adverses composées de bataillons mèdes et Cissiens, même les 10 000, les fameuses troupes d’élite perse, sont massacrés par la phalange grecque. Il faudra attendre le troisième jour de combat et une trahison (un citoyen de Malia indique aux Perses un chemin de montagne pour contourner les défenseurs) pour que les troupes de Xerxès viennent à bout d’un dernier contingent de Spartiates composé (à l’origine) de 300 homoïoi (ou pairs, c’est à dire citoyens guerriers) et de leurs servants, déjà fortement réduit par les deux premiers jours de combat. C’est cette résistance héroïque du roi Léonidas et de ses 300 hoplites qui fut à l’origine du mythe des Thermopyles.

Contrairement à ce que laisse abusivement entendre la couverture, le roman est très éloigné du film de Zack Snyder (inspiré en réalité de la BD de Franck Miller) et s’inscrit dans une démarche nettement plus réaliste, voire même historique. Il débute par le récit de l’unique survivant grec, un ancien périèque élevé à la dignité de servant spartiate. Mais Xéon, puisqu’il s’agit de son nom, n’a rien d’un esclave, sa stature est tout autre puisqu’il sert l’un des plus fameux guerriers spartiates, à savoir Dienekès. Son récit est parfaitement chronologique, et débute par son enfance alors que la petite cité du Péloponnèse qui l’a vu naître est attaquée et détruite par les Argiens. Xéon fuit et trouve refuge à Sparte où il devient l’apprenti-servant d’un jeune pair, tout juste en âge de suivre l’agogé (l’éducation militaire très stricte des citoyens spartiates). Et c’est là une des forces du roman de Steven Pressfield, qui nous permet de découvrir de manière subtile et progressive tout un pan de l’organisation sociale et politique de la cité lacédémonienne. Son sens de la narration, allié à un souci du détail et un gros travail de documentation, confère au roman un réalisme rarement atteint en la matière. Pressfield frôle dans une certaine mesure le documentaire, mais son sens de la narration efface le caractère didactique que l’on aurait pu craindre et, comme tout bon auteur de roman historique, il sait prendre quelques libertés avec l’histoire quand il le faut ; de menues adaptations qui respectent globalement le sens de l’histoire au bénéfice de la romance. On pourra toujours pinailler sur des détails ; par exemple, certaines caractéristiques de la vie spartiate semblent avoir été atténuées, la cellule familiale si l’on prend ce point précis paraît étrangement anachronique et dans l’esprit peu conforme au mode de vie spartiate, de même lors des repas pris en commun les pairs philosophent à l’envi sur un mode plus proche de l’école athénienne que du laconisme bien spécifiques des Spartiates (un laconisme qui cependant, et comme le soulignait Socrate, est certainement l’une des formes les plus abouties de philosophie). D’autres détails de l’organisation sociale et politique de la cité lacédémonienne, notamment le rôle prépondérant des Anciens (Sparte étant par essence une gérontocratie) ou des éphores, passent également au second plan, mais dans l’ensemble on plonge avec délice dans cet excellent roman qui fait renaître avec talent l’une des plus importantes pages de l’histoire antique. Alors oubliez 300 et son esthétique fantastico-antique car Les murailles de feu, par sa dimension humaniste et historique fait figure de roman incontournable sur le sujet.